La semaine dernière, le magazine scientifique bien connu Nature publié une review synthétique des travaux d’un chercheur très connu des experts en créativité :Paul Silvia.
Silvia est un chercheur et enseignant en psychologie à l’Université Greensboro de Caroline du Nord. L’article de Nature, dont voici une forme condensée, raconte comment il s’est intéressé au syndrome de la page blanche – le blocage créatif – et comment il a découvert des stratégies pour le dépasser. Stratégies qui ont fait l’objet depuis de nombreuses études scientifiques, qui sont venu étudier les ressorts psychologiques de nos blocages lorsqu’il s’agit de sortir des idées du chapeau.
Retour sur cette analyse scientifique fascinante quand on s’intéresse aux sciences créatives.
Comprendre le blocage de l’écrivain
En 2003, Paul Silvia travaillait sur son premier livre sur la psychologie de la motivation. Malgré un contrat de publication déjà signé, il n’avançait pas et passa neuf mois sans toucher à son projet. Ce paradoxe quelque peu stressant sous la pression de son éditeur l’amena à explorer les stratégies d'écriture des auteurs professionnels et à consulter ses collègues psychologues.
Voici les astuces qu’il a tiré de ses nombreux entretiens, qui sont autant de trucs pour sortir d’un blocage créatif.
Eviter la procrastination
Silvia identifia plusieurs causes au blocage de l’écrivain, telles que la confusion entre réflexion et action. Il réalisa que l'attente de moments parfaits ou de gros blocs de temps est souvent une forme de procrastination.
Créer des routines
Silvia recommande de traiter l’écriture comme un cours à enseigner : bloquer du temps spécifique dans son calendrier et s’y tenir. Pour surmonter son propre blocage, il choisit d’écrire tous les matins de 8h à 10h, créant ainsi une routine qui réduisit la pression et augmenta sa productivité. « La productivité se construit sur l'élan », écrit-il. « Il est auto-renforçant de voir quelque chose avancer. »
La productivité se construit sur l'élan. Il est auto-renforçant de voir quelque chose avancer.
Une stratégie bien connu des lecteurs du livre de Julia Cameron « Libérez votre créativité » qui parle quant à elle des « pages du matin »,comme un exercice routinier, qui ne doit pas invoquer la réflexion, mais bel et bien la détermination à accomplir la tâche sans se poser de questions…
Clarifier le message
Andrea Armani, ingénieure chimiste à l'Université de Californie du Sud, observe que les étudiants ont souvent du mal à commencer à écrire un article car ils ne savent pas ce qu'ils veulent dire.
Elle recommande de se poser des questions essentielles : « Quelle est l'hypothèse ?Quel est le point de mon article ? Que suis-je en train de prouver ? » Cette clarté permet de structurer l’article autour d'une idée centrale, facilitant ainsi l’écriture.
Le point clé à retenir ici : l’idée centrale. Ne pas perdre de vue le fil rouge, le pourquoi de l’action d’écriture. En matière de créativité sur des sujets autre que l’écriture, on dira qu’on cherche à rester dans un couloir de pensée. Paradoxe absolu, que j’évoque souvent dans ma conférence créativité Thin(k)novation :on doit se contraindre à un champ restreint alors qu’on pourrait penser que la créativité nait des digressions diverses et variées.
Planifier d'abord
Silvia insiste sur l’importance de la planification. Développer un plan clair aide à éviter le blocage en début de projet.
Armani suggère quant à elle de commencer par les figures et les graphiques pour structurer les idées.
Soto Valero, conseille de planifier chaque paragraphe en posant des questions dans le document.
Commencer par faire imparfaitement
Pour combattre la page blanche, il est utile de commencer par écrire quelque chose, même imparfait.
Le chercheur César Soto Valero, un « computer scientist » au KTH Royal Institute of Technology à Stockholm, utilise des modèles pour gagner en confiance et vitesse, tandis que Von Hagen propose de noter des idées brutes pour amorcer le processus. « Si vous l'avez sur papier, et que vous avez quelque chose avec quoi travailler, alors vous pouvez simplement éditer et réviser », dit-elle.
C’est exactement le principe du PMV, le produit minimum viable, un concept que j’évoque régulièrement dans ma conférence innovation : lancer un produit ou une idée en sachant délibérément qu’il ou elle est imparfait.e, dans le seul but de faire avancer sa démarche en mode itératif. En bref, être dans l’action, l’action venant enrichir la réflexion par les feedbacks remontés du terrain.
Visualiser et écrire dans le désordre
Utiliser des stratégies mentales peut aider. Soto Valero aime imaginer la section terminée avant de commencer à écrire, rendant la page blanche moins intimidante. Armani conseille quant à elle de rédiger les méthodes en premier, puis les résultats, pour éviter de se bloquer sur l’introduction.
Collaborer et réduire la pression
Obtenir des retours peut aider à surmonter le blocage. Il est également essentiel de se rappeler que l’objectif n’est pas la perfection, mais une communication scientifique claire. « Ce n’est pas le moment pour des phrases complexes », dit Armani. « Vous devez être clair et concis. »
Encore le produit minimum viable !
Favoriser la collaboration
L'obtention de retours sur un brouillon peut aider à surmonter le blocage de l’écrivain, particulièrement si le collaborateur est un mentor ou un pair plus expérimenté. La critique constructive fait partie du processus d'apprentissage. « Avoir quelqu'un d'autre qui regarde le travail peut aider à surmonter le blocage », dit Von Hagen.
Là encore : le produit minimum viable n’a aucun intérêt si les murs qu’il fait se dresser devant vous (de refus, d’échecs : il est fait pour ça) ne sont pas accompagnés de feedbacks constructifs sur comment changer de direction ou améliorer votre idée. C’est tout le principe de ce PMV : avancer à tâtons pour être guidé par la réalité du terrain !
Prendre du recul et planifier à l'avance
Parce que l'écriture est un travail difficile, il est utile de prévoir une marge de manœuvre dans le calendrier pour faire face aux imprévus. Armani conseille de commencer à écrire quand environ 75 % de la recherche est terminée. Soto Valero quant à lui trouve utile de prendre quelques jours de repos avant de se remettre à écrire, ce qui crée une motivation par le biais de la culpabilité.
En conclusion
Le blocage de l’écrivain est une expérience très commune mais totalement surmontable, qui touche n’importe quelle personne qui souhaite se lancer un défi créatif.
Si vous voulez lire l’article dans son intégralité (en anglais), c’est par ici !